Tout au long de ces dernières années, la ville de Rabat n'a cessé de se métamorphoser. Nombreux sont les chantiers qui ont changé le visage de l'agglomération aussi bien au plan économique qu'urbanistique (la nouvelle ville de Tamesna, l'aménagement de la vallée Bouregreg et Technopolis). Rabat vit une véritable révolution urbanistique accompagnée d'une expansion démographique considérable. Pourtant, cette urbanisation accrue reste en déphasage avec le dispositif assurant la mobilité de la population. Celle-ci se déplace, aujourd'hui, de plus en plus (travail, universités, écoles et loisirs). Une situation qui met à nu la défaillance de la mobilité urbaine à Rabat. Un enjeu de taille. Car elle soulève la question du droit à la mobilité, l'un des droits élémentaires des citoyens. En effet, Rabat souffre d'une faible structuration du réseau de transport urbain, entravant ainsi la mobilité des personnes, en particulier les déplacements massifs des usagers du transport en commun. Alors que les études sur les flux origine-destination ont démontré que la majorité des déplacements se font à l'intérieur de chacune des agglomérations, et que la principale destination est le centre de Rabat. Ainsi à Témara, 58% des déplacements de la population se font à l'intérieur de Témara et 30% se font essentiellement vers Agdal, Hay Ryad et Hassan. De même à Salé, 60% des déplacements de la population s'effectuent à l'intérieur de la ville, 35% se font vers Agdal, Hay Ryad et Hassan et 74% des déplacements sont de type domicile-travail. Certes, Rabat a opté pour une solution «tramway», pour fluidifier davantage la circulation et répondre aux besoins de la population. Mais cela reste insuffisant pour bon nombre de citoyens pour lesquels le tramway n'a pas résolu le problème de la mobilité. Certaines zones ne sont pas desservies par le tram (logements sociaux dans la périphérie de Rabat et les nouveaux quartiers administratifs et d'activités).
Techniquement, le dispositif de transport urbain actuel de Rabat comprend deux systèmes. Le premier est bien structuré, c'est celui du tramway. Quant au second, il englobe les petits et grands taxis ainsi que les bus. Au niveau de ce dernier, les usagers de ce mode de transport ne savent plus à quel saint se vouer. Matin et soir, ils vivent le calvaire du retard des bus. Il faut attendre de longues heures pour qu'enfin un bus arrive, la plupart du temps plein à craquer. Pour les autres, ceux qui se lassent, ils préfèrent s'engouffrer dans des pick-up équipés de banquettes ou dans des voitures de particuliers. Cette scène fait partie désormais du décor quotidien de la ville. Le transport informel tend à être intégré au formel, au vu et au su des autorités. En effet, dès que Veolia s'est désengagée, le secteur informel du transport a atteint son apogée. Place Bab Al Ahd, Avenue Ibn Toumert et Ennakhil à Hay Riad restent les points de rassemblement des transporteurs clandestins les plus connus.
D'ailleurs, la prolifération de «Khettafa» était l'une des causes de départ de Véolia qui s'occupait de la gestion du secteur. Et même avec la reprise de la gestion du secteur par le groupement Al Assima, le transport informel occupe une place de choix. Il faut également dire qu'il est de plus en plus sollicité par les usagers à cause de son abondance et de l'insuffisance de l'offre de bus.
Un constat qui dure même après la prise en main de la gestion du secteur par le groupement Al Assima. L'objectif escompté était de mettre en place un système de transport urbain moderne et performant permettant de surmonter les dysfonctionnements entachant la gestion des transports publics. Ainsi, la mobilisation des fonds pour le renforcement de la flotte des bus était le but numéro 1.
Dans ce sens, la grande ambition d'Al Assima était d'atteindre un parc de 500 bus d'ici la fin de cette année, et ce, dans la perspective de renforcer davantage la flotte pour répondre aux besoins évalués à 600 bus. Certes, le groupement a procédé, il y a près d'un an (novembre 2011) à l'acquisition de 50 bus, mais depuis rien n'a été fait pour atteindre cet objectif. D'ici la concrétisation de cet objectif, le citoyen rbati optera pour un tramway, un trajet à bord d'un pick-up ou d'un «khettaf», ou alors se résignera à attendre un bus plein à craquer et rarement ponctuel !
Malgré les efforts consentis pour rehausser le réseau de transport en commun, il reste beaucoup à faire. Certes, le tramway a démontré, après un an de sa mise en service, son efficacité, en atteignant 80 000 voyageurs, mais la complémentarité entre ces deux systèmes s’avère plus que jamais nécessaire pour desservir et assurer le déplacement de l’ensemble de la population. Car le développement du transport en commun ne devrait pas être limité à la diversification des modes, mais doit également assurer la coordination de leur fonctionnement. Aujourd’hui, il est opportun de faire du transport en commun le moyen de déplacement privilégié des citoyens, aussi bien pour des considérations économiques qu’écologiques.
-* Le réseau du transport en commun en déphasage avec la dynamique de la capitale.
-* Le tramway de Rabat sauve la mise.
-* Le transport informel ne cesse de prendre de l’ampleur.
Lieferant / Quelle : Soumaya Bencherki, Le Matin