C'est désormais l'une des problématiques les plus complexes que la ville de Rabat et sa consœur Salé devront s'attaquer. Les cimetières de la capitale du Royaume ont de plus en plus de mal à absorber les morts. De jour en jour, la place accordée aux cimetières au sein de la ville se rétrécit et la commune tire déjà la sonnette d'alarme. D'après le vice-maire de Rabat, Abdelmouniim Madani, d'ici deux ans, les habitants de la ville ne trouveront pas où enterrer leurs morts. Au nom donc d'un triple souci d'hygiène, de rationalité urbaine et d'inadaptation des cimetières au tissu urbain dense, les acteurs locaux se penchent actuellement sur la conception d'une nouvelle approche pour gérer ce service, car il faudra avant tout respecter un ordre urbain difficile. «Avant de réfléchir à la création de cimetière, il faudra d'abord désigner le bon endroit requis pour ne pas avoir à changer l'orientation et la vocation de l'espace», souligne M. Madani. En effet, il est clair que l'existence d'un cimetière dans tel ou tel lieu freinera le développement de cette région et entravera la création d'activités à caractère commercial ou touristique. L'exemple le plus concret est celui des terrains situés à proximité de du tombeau de Sidi Benacher à Salé qui ont longtemps été convoités par des entreprises privées. Dès que ces dernières ont fait part de leur volonté de créer un espace vert et de loisirs où toute référence à la mort serait occultée, de nombreuses oppositions à ce projet ont vu le jour. Les habitants ont montré beaucoup de scepticisme, par peur que le lieu perde son identité, si la zone était ouverte à des usages multiples. La ville se trouve donc confrontée à un réel défi, car il faudra opter pour l'un des deux scénarios qui sont actuellement possibles. Le conseil de la ville devra choisir : créer un grand cimetière dans une zone périurbaine, à savoir dans une autre commune, située loin de Rabat, comme Aïn Aouda. Mais cette idée de délocalisation ne sera pas sans conséquence, car elle pourra rencontrer une forte résistance, tant de la part des habitants, dont les pratiques seraient fortement modifiées, que de certains élus de la ville, qui souhaitent créer ou préserver des cimetières de proximité ou encore en créer un ; et cela ramène au deuxième choix. Le vice-maire de Rabat propose, dans ce cadre, d'élire la ceinture verte, située à la limite de chaque ville, comme endroit pour accueillir ce lieu d'inhumation. «Si l'on opte pour ce scénario, l'urbanisation de la ville sera protégée et le nouveau cimetière sera bien placé dans un espace accueillant et verdoyant, à l'instar de ce qui se fait dans les autres pays», indique M. Madani. En attendant donc que soit tranchée cette question, le cimetière se retrouve donc au cœur d'un conflit entre la logique de l'action publique, qui souhaite l'éloigner de son ancrage traditionnel, les fondements religieux, qui freinent ces tentatives, mais parfois s'y adaptent, et les pratiques des habitants, pour qui le cimetière demeure un lieu de proximité et de sociabilité investi de manière collective et symbolique.
Les cimetières à Rabat et sa consœur Salé sont hélas marqués par une forte densité de tombes et sont à présent rejoints et enserrés par l’expansion urbaine. Dans l’attente de projets à plus long terme, l’administration met avant tout l’accent sur la lutte contre l’aspect informel des cimetières en instaurant de nouvelles règles d’organisation et de maîtrise de l’espace. En effet, le conseil de la ville souligne la nécessité d’installer des clôtures, des murs et des portes, de procéder à un contrôle des inhumations et des passages à l’intérieur du cimetière. Un des élus au conseil de la ville de Rabat rappelle qu’il faut «lutter contre l’anarchie par des clôtures et le contrôle du gardien. Il faut l’obliger à inhumer avec un permis, il faut des alignements, car, à la ville, on n’enterre pas comme à la campagne, où les contraintes d’ordre administratif, réglementaire ou foncier sont moins fortes», indique un élu.
Fornitore/Fonte : Y. A., Le Matin